Les agents de la délégation Guyane du Centre National de Formation de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) changent bientôt de locaux pour s’installer dans un bâtiment flambant neuf, promesse d’une meilleure qualité de travail, ou presque. Car, qui dit nouveaux locaux, dit aussi nouveaux aménagements, mais surtout nouvelle relation au travail. Pour aider les agents du CNFPT dans l’orientation générale de l’aménagement de leur futur lieu de travail, nous avons été sollicité·e pour un atelier de cocréation1. L’occasion de partager avec vous les détails de cette jolie commande avec laquelle nous avons démarré l’année 2023.
Préparation de l’atelier de cocréation
Avant de créer le programme de l’atelier, il a fallu mieux comprendre la problématique. Certes, un futur déménagement était déjà une donnée importante, mais qu’est-ce que cela impliquait véritablement pour les agents ? Comment accueillaient-ils la nouvelle ? Quelles étaient leurs attentes ou leurs craintes ?
À l’occasion d’un entretien avec deux agents et d’une visite de terrain, nous avons pu comprendre que les enjeux sont bien plus conséquents qu’ils ne paraissaient au départ. En effet, ce changement de lieu de travail représente autant d’attentes que de craintes.
Attentes et craintes
Du côté des attentes, le déménagement vers de nouveaux locaux est très attendu car l’emplacement actuel des locaux au cœur du centre-ville de Cayenne n’est pas l’idéal à plusieurs niveaux. Effectivement, le centre-ville est mal sécurisé, particulièrement en fin de journée, peu de place de stationnements sont disponibles à proximité. Aussi, lorsque s’agit de faire plusieurs aller-retour par jour, le temps de trajet est plutôt long entre les bureaux administratifs du CNFPT et du bâtiment dans lequel sont données les formations. Enfin, les locaux actuels ne sont pas suffisamment insonorisés ce qui crée des frictions tout au long de la journée.
Du côté des craintes, un enjeu majeur a été présenté dans cette phase de préparation : il s’agissait de la suppression de certains bureaux individuels pour deux espaces de travail collectif, appelés aussi open space, plateau ouvert ou bureau paysager. Ce concept d’aménagement qui voit le jour dès la fin du 19ᵉ, dans les pays nord-américains et européens, est très controversé. Il a autant d’opposants et que de partisans à travers le monde. Y compris au sein de l’équipe du CNFPT Guyane.
Ces attentes et ces craintes nous ont permis d’avoir suffisamment de données pour programmer et préparer l’atelier de cocréation.
Expression et Visualisation
Pour conduire l’atelier, nous avons divisé la journée en deux temps. Le matin était consacré à l’expression autour la thématique tendue de l’open space. Tandis que l’après-midi était dédié à de la visualisation.
Après une activité brise-glace, les participants de l’atelier ont pu exprimer tout ce qu’ils pensaient au sujet de l’open space au cours du débat fictif « Open space Folie ». Animé, le débat a été l’occasion, pour les opposants, d’exprimer leurs craintes et leurs incertitudes concernant cette nouvelle organisation des espaces. Il a aussi permis aux collègues partisans (oui, il y en avait) de défendre les avantages du plateau ouvert. Il n’y avait pas que des « pour » et des « contre », il y avait aussi des collègues neutres qui ont eu également voix au chapitre également. En fin de matinée, la création d’une carte mentale (mind map), nous a permis de synthétiser les éléments saillants du débat et d’esquisser des pistes de solution pour cette nouvelle organisation du travail.
L’après-midi, orienté sur la visualisation des futurs locaux, a permis de partager plusieurs activités ludiques et créatives. « Vous avez dit “ludiques ?” ». Oui, oui, les adultes jouent et dessinent aussi. C’est même tout l’intérêt des ateliers de cocréation. Autour de trois mini-ateliers créatifs, les participant·e·s ont pu proposer différents aménagements des bureaux, des salles de formation et de la terrasse. Ils ont aussi synthétisé leurs propositions sur des esquisses de planches de tendances.
Ces activités et l’énergie même du groupe ont aidé les agents du CNFPT à exprimer leurs désirs et leurs idées. Ce qui nous a permis de ressortir de ces ateliers des livrables de synthèse pour orienter l’aménagement des locaux selon leurs attentes et leurs besoins.
À propos des livrables
À partir des activités de l’atelier de cocréation, nous avons pu proposer des orientations générales d’aménagement (couleurs, textures, matière). Nous avons aussi sélectionné dans le catalogue de l’UGAP différents mobiliers qui favorisent une approche flexible du travail. Par exemple : avoir le choix entre des espaces confidentiels de travail pour les moments de concentration et des bureaux séparés par cloisons réglables, des poufs ergonomiques, des gradins amovibles pour la terrasse, etc.
Les bienfaits de l’atelier de cocréation
Entre expression et visualisation, l’atelier de cocréation a permis aux agents du CNFPT d’imaginer ensemble leur futur lieu de travail. Ces derniers ont également pu esquisser les contours des nouvelles modalités de collaboration, même concernant les espaces controversés.
Par ailleurs, et c’est aussi tout l’intérêt des ateliers de cocréation, chaque participant·e a pu s’exprimer librement et sous différentes formes (expression orale ou créative). Lorsqu’une réunion de service ou un simple forum de discussion empêche souvent l’expression et l’écoute des participant·e·s plus réservé·e·s. L’atelier de cocréation aide à mettre tout le monde au même niveau et à ce que chacun·e puisse s’exprimer. La cocréation est aussi, reconnue pour autres plusieurs avantages. De manière générale, on reconnaît qu’ :
- Elle aide à développer l’empathie.
- Elle permet de mieux identifier les besoins des usagers.
- Elle permet de personnaliser les produits et services, et de manière conséquente, de les améliorer.
- En participant au processus créatifs, les usagers sont eux-mêmes créateur·ice·s de leur innovation et seront mieux enclins à apprécier le résultat final.
Pour ce dernier point, dans notre cas, les futurs locaux ont désormais toutes les chances d’être véritablement appropriés par les agents du CNFPT. Le travail représentant une grande partie de la journée de la plupart des personnes dites « actives », cocréer son futur lieu de travail est, de nos jours, d’une importance majeure.
Petit conseil
Vous êtes designer ou professionnel·le de l’intelligence collective débutante, ou avoir un petit conseil sur la réalisation d’atelier de cocréation vous intéresse tout simplement ? Simplifiez au maximum vos outils et vos activités. La créativité est en chacun de nous, vous pouvez penser vos ateliers de façon simple et laisser l’énergie du groupe conduire l’atelier.
Pour aller plus loin :
- Erika Cupit, avec qui nous collaborons, tient un blog sur l’innovation sociale avec tous pleins de ressources autour de la cocréation : https://design-et-collectivite.com/category/blog/atelier-de-co-creation/
- Lallemand Carine et Gronier Guillaume, Méthodes de design UX: 30 méthodes fondamentales pour concevoir des expériences optimales, Eyroles, 2018 [2015].
- Nous relatons une autre expérience de coconception en Guyane dans la revue Design, Arts, Médias. Voir : Méthodes visuelles autour d’objets culturels pour un projet ethno-territorial sensible.
- Bien souvent, on voit « co-création » ainsi, avec un trait d’union. Cependant, depuis 1990, on ne met plus de trait d’union après la majorité des préfixes (sauf lorsque cela modifie la prononciation), on scinde le nom et le préfixe pour créer un nouveau mot. Exemple : coauteurs, postcolonial, or extra-utérin (modification de la prononciation). ↩︎
- Photographies de Gerno Odang.